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18 juillet 2012

Les conditions de Détention du Ministre d’Etat Marafa Hamidou Yaya à la « Prison Secondaire » du SED à Yaoundé

 Pr Ndiva Kofele- Kale    

18 juin 2012

A Son Excellence Laurent Esso

Ministre d’Etat, Ministre de la Justice Garde des Sceaux 

Yaoundé.

Objet : Les conditions de Détention du Ministre d’Etat Marafa Hamidou Yaya

à la « Prison Secondaire » du SED à Yaoundé

 Excellence,

Deux raisons expliquent la décision de m’adresser directement à vous.

Premièrement, pour porter à votre attention les conditions dans lesquelles mon client, le Ministre d’Etat Marafa Hamidou Yaya, est détenu à la « prison secondaire » au Secrétariat d’Etat à la Défense (SED). Peut-être que  Votre Excellence ne sait pas que ces conditions sont une violation des droits fondamentaux de mon client garantis par le droit international et notre constitution. Dans ce cas, je suis dans l’obligation...


de demander à l’Honorable Ministre de la Justice, dont le ministère est l’autorité de tutelle chargée des prisons, de donner des instructions aux forces de sécurité surveillant mon client au SED qui est actuellement une  soi- disant « prison secondaire » de lui accorder ses droits en tant que prévenu. C’est  la deuxième raison pour laquelle je m’adresse à Votre Excellence.

A L‘instar de la majorité des  systèmes juridiques du continent , le Cameroun suit la tradition moniste du droit international qui considère le droit international  et le droit national comme des parties d’un système juridique unique et unitaire, même si le droit international  par rapport au droit national possède une valeur prescriptive supérieure . Dans un système juridique moniste, le droit international est automatiquement assimilé  au droit national  et en situation de conflit entre les deux le premier,  en raison de sa supériorité, prendra le dessus sur le droit national.

Le Cameroun est un Etat faisant partie de plusieurs organes internationaux et régionaux portant sur les Droits de l’Homme. Au rang de ces derniers figurent  le Pacte International relatif aux  Droits Civils et Politiques (PIDCP) et la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (la charte de Banjul). Suite à la ratification en 1984 et 1989, respectivement, ces traités sont entrés en vigueur au Cameroun créant ainsi des droits et des obligations pour les Camerounais. Ces traités possédant une valeur prescriptive supérieure au droit national, au cas où il y aurait un conflit entre ces deux systèmes judiciaires, le droit national cède automatiquement au droit conventionnel. Excellence, je m’attarde sur ce point, car le droit international  en matière de droit de l’homme contient des règles strictes portant sur le traitement des détenus et des prisonniers ; des règles conçues pour la protection de la vie, la sécurité et la dignité de ces individus. Ces règles sont applicables à tout moment, et des Etats à l’instar du Cameroun, qui sont signataires de ces traités portant sur les Droits de l’Homme, ont l’obligation juridique de prendre toutes les mesures législatives et pratique nécessaires afin de mettre fin à toute pratique qui viole les règles en question.

Excellence, cela me chagrine de devoir vous informer que les conditions dans lesquelles M. Marafa est détenu au SED  sont une violation des normes minimales des Nations Unies applicables au traitement des prisonniers et des détenus. D’une manière spécifique, ces normes sont: les « 1990 Basic Pinciples for the Treatment of Prisoners, the 1998 Body of Principles for the Protection of All Persons under Any Form of Detention or Imprisonment, and the 19955 Standard Minimum Rules for the Treatment of Prisoners. » Ces instruments constituent un résumé qui fait autorité en ce qui concerne  les termes de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ratifiée par le Cameroun le 19 février 1986)  et le PIDCP  puisqu’ils portent sur le traitement des personnes en détention d’avant procès. L’article 10 (1) du PIDCP  indique clairement que toute  personne privée de sa liberté « doit être traitée d’une manière humaine et avec respect pour la dignité inhérente de l’être humain. » Cela signifie que   des personnes en détention provisoire tout comme des personnes libres jouissent de tous ces Droits de l’Homme garantis par le droit international, sous réserve seulement  des restrictions qui sont une conséquence inévitable de leur détention. Il semblerait que mon client ait été choisi pour un traitement à part qui est de nature punitive et en représailles contre le fait qu’il exerce son droit à la liberté d’expression!

Si Votre Excellence le permet, je démontrerais par  des exemples concrets comment les restrictions placées sur les droits de mon client constituent un manquement aux prescriptions contenues dans les instruments internationaux susmentionnés portant sur les Droits de l’Homme.

  1. 1.      Le lieu de détention : L’article 7 du PIDCP  qui interdit la torture ou le traitement cruel inhumain et dégradant ou punition, impose sur les Etats une obligation juridique d’assurer que des personnes privées de leurs libertés soient détenues exclusivement  dans des lieux de détention officiellement reconnus. Ceci a pour but de garantir leur sécurité personnelle et leur protection effective. Le vendredi 25 mai 2012, le Ministre d’Etat Marafa a été transféré de la prison centrale de Yaoundé- Kondengui, un lieu de détention officiellement reconnu, à une installation militaire gérée par le Secrétaire d’Etat à la Défense (SED) chargé de la Gendarmerie. Ce n’est un secret pour personne que le SED est attaché au ministre-délégué à la défense à la Présidence de la République. Par conséquent, cette installation de la gendarmerie ne remplit pas les conditions juridiques  d’un lieu de détention pour les prévenus  dans les sens attribués à ce terme dans le « Human Rights Commitee General Comment No. 20 » relatif à l’article 7 du PIDCP. Bien que l’installation soit théoriquement sous la tutelle  du régisseur de la prison centrale de Yaoundé, l’autorité de surveillance réelle de facto est un Colonel de la gendarmerie. Les détenus ne sont pas surveillés par de vrais gardiens de prison  mais par des éléments d’une unité militaire spéciale. En s’accrochant à cette fiction selon laquelle cette installation militaire est une « prison secondaire », le Cameroun ne respecte pas les conditions de base contre la détention arbitraire, y compris l’obligation de garder des personnes privées de leur liberté dans des lieux de détention officiellement reconnus.

 

  1. 2.      L’hébergement : La règle 10 des « Standard Minimum Rules for the Treatment of Prisoners » stipule clairement que tout lieu d’hébergement pénitentiaire destiné à des personnes privées de leur liberté, y compris en particulier le lieu de couchage, « doit remplir toutes les conditions de santé, avec une attention aux conditions climatiques et en particulier le cubage d’air, la surface utile minimum, l’éclairage, le chauffage et l’aération. » La règle 11 (a) prévoit que les fenêtres-  notez l’utilisation du pluriel- dans la surface habitable du détenu «  doivent être assez grandes pour permettre au prisonnier de lire ou de travailler en utilisant la lumière naturelle, et doivent …laisser l’entrée d’air frais peu importe la présence ou non de système d’aération artificiel., » alors que la règle 19(b) spécifie que « la lumière artificielle doit être fournie en quantité suffisante pour permettre au prisonnier de lire ou travailler sans préjudice  à la vue. »

 

  • Le Ministre d’Etat Marafa est détenu dans une cellule petite, humide et exiguë sans fenêtre sans aucun accès à la lumière naturelle ou artificielle. L’effet, si non l’intention, de ce manque d’éclairage est de compromettre considérablement  la vue de mon client, avec la forte probabilité d’une perte de la vue si aucune mesure n’est prise pour remédier à cette situation en améliorant l’éclairage dans sa cellule. La condition de vie du  Ministre d’Etat Marafa est identique à celle du cas Ouko. Dans cette affaire le plainant a déclaré que le lieu où il était détendu avait une ampoule électrique de 250 watts qui restait allumée tout au long de sa détention qui a duré 10 mois. La Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a conclu que le traitement infligé à monsieur Ouko pendant sa détention, par le défendeur, en l’occurrence le Gouvernement, constituait une violation de son droit au respect de sa dignité et sa liberté par un  traitement  inhumain et dégradant. Ces droits sont garantis par l’article  5 de la Charte de Banjul (voir ACHPR, l’affaire John D. Ouko v. Kenya, Comm’n No. 231/99 (2000).

 

  • Il n’a pas été permis à mon client d’installer une lampe chauffante apportée par les membres de sa famille afin d’aider à déshumidifier la cellule ; toutefois même s’il pouvait garder la lampe, il n y a aucune prise dans la cellule pour la brancher.

 

  • Le Gouvernement du Cameroun est responsable de la santé et du bien-être de tous les détenus. M. Marafa est enfermé pendant 12 heures d’affilée, confiné dans une cellule noire sans lumière naturelle ou artificielle entre 8 heures et 20 heures. Une telle détention constitue les conditions qui ne respectent pas la dignité inhérente de l’être humain en violation de l’article (10) du PIDCP. La Commission Africaine des Droits Humains et des Peuples a condamné la détention de prisonniers dans leurs cellules pour une durée allant jusqu'à 14 heures d’affilée, comme une violation de l’article (5) de la Charte de Banjul (voir ACHPR, Krishna Achuthan and Amnesty international (au nom de Aleke Banda and Orton and Vera Chirwa) v. Malawi, Communications Nos. 64/92, 68/92 and 78/92).

 

  1. 3.      Le contact avec les membres de la famille et les amis : les visites et les correspondances : La règle 37 des « Standard Minimum Rules » prévoit que les prévenus « doivent avoir la permission sous supervision nécessaire de communiquer avec leurs familles et des amis de bonne réputation à des intervalles réguliers, tant par correspondance que en recevant des visites  » (voir également le principe 19 des « Body of Principles). Le refus par les autorités pénitentiaires de laisser un détenu écrire à sa famille, et de recevoir  des visites d’elle,  équivaut à une violation des articles 7 et 10(1) du PIDCP. La Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies a examiné la question des visites familiales dans l’affaire Espinoza de Polay, où  non seulement on a refusé au détenu de recevoir des visites de sa famille, mais il ne pouvait pas non plus écrire ni recevoir de la correspondance de sa famille. La Commission des Droits de l’Homme a jugé que ces faits constituaient le traitement inhumain contraire aux articles 7 et 10(1) du PIDCP (voir R. Espinoza de Polay v. Peru, Comm’n No. 577/1994).
  •  Les autorisations de visite accordées auparavant aux membres de la famille de M. Marafa pour lui rendre visite alors qu’il était à la Prison centrale de Yaoundé – Kondengui ont été temporairement retirées. Les autorisations ont certes été par la suite  rétablies mais les visites familiales sont toujours contrôlées de manière irraisonnable. Le droit de mon client de recevoir des membres de sa famille pendant sa détention ne constitue pas une faveur pouvant être retirée à la discrétion de ses geôliers.
  • M. Marafa ne peut pas communiquer avec sa famille parce qu’on lui a interdit la possession d’un stylo et du papier à écrire.

L’objectif de la  détention n’est pas de mettre un terme au droit d’un individu de participer dans des activités culturelles et éducatives. Selon le principe 28 du « Body of Principles « une personne détenue doit avoir le droit d’obtenir dans les limites des ressources disponibles,  si ce sont des sources publiques, des quantités raisonnables de matériels portant sur l’éducation, la culture et l’information.  Ce droit est seulement soumis «  aux conditions raisonnables pour assurer la sécurité et l’ordre dans le lieu de détention. »

  • Les gendarmes qui gardent  le Ministre d’Etat  Marafa lui ont refusé l’accès aux instruments de lecture et il ne peut pas recevoir des journaux, même pas le journal d’Etat Cameroon Tribune! Certains livres ont été fournis mais uniquement quand mon client a menacé de faire une grève de la faim. Mon client n’a pas droit à un poste radio ou un téléviseur  et reste coupé du reste du monde.

 

4. Le contact avec les avocats : les visites et les correspondances : C’est un élément fondamental du droit d’un accusé à un procès équitable que les contacts entre celui-ci et son avocat restent privilégiés et confidentiels. Le statut du client en tant que détenu n’a aucun impact sur cette règle fondamentale comme le stipule sans équivoque  le principe 18 des « 1998 Body of Principles » : un détenu doit  (a) avoir le droit de communiquer et de s’entretenir avec son conseiller juridique et (b) qu’on lui accorde suffisamment de temps et de facilités pour s’entretenir avec son conseiller juridique. Le principe 18 reconnait également à un détenu  «  le droit de visite et le droit de consulter  et communiquer, sans délai ou censure et en toute confidentialité, avec son conseiller juridique ce qui ne devrait pas faire l’objet d’une suspension ou restriction  sauf dans des circonstances exceptionnelles, à être spécifiées par la loi ou des réglementations légales, lorsqu’il est estimé indispensable par une autorité judicaire ou tout autre autorité afin de maintenir la sécurité et le bon ordre. »

Ces prescriptions ne sont pas respectées par les autorités à la « prison secondaire » du  SED :

  • Il m’a  été refusé  à maintes reprises  de m’entretenir avec M. Marafa en invoquant toute sorte de raisons spécieuses pour m’empêcher de m’entretenir en privé avec lui dans une certaine  confidentialité. Le retard qui est pris pour me permettre de rencontrer mon client a une incidence négative sur le droit de mon client de préparer de manière adéquate sa défense.
  • Alors qu’il faisait mauvais temps le lundi 18 juin 2012, j’ai été contraint de m’entretenir avec mon client dans la cour sous la pluie, avec pour seul abri un parapluie branlant ; et lorsque mon client a protesté contre ce traitement inhumain, l’agent de sécurité a suggéré que nous entrions dans le poste de gendarmerie situé dans l’enceinte de l’espace de détention. Cette offre a été rejetée, puisqu’elle ne garantissait pas l’intimité et la confidentialité de notre conversation. Le paragraphe 4 du Principe 18 des « 1998 Body of Principles »est clair sur ce point : « les entretiens entre un détenu….personne et son conseiller juridique doivent être à vue, mais hors d’écoute toute force de l’ordre »

Les violations multiples et continues des droits de M. Marafa sont une illustration de l’impérieuse nécessité  pour Votre Excellence de rappeler à l’autorité administrative du SED de s’assurer que toutes les règles internationales régissant le traitement des détenus sont effectivement mise en application à tout moment  et pour tous les détenus sans discrimination aucune. En tant que signataire du PIDCP, le Cameroun a l’obligation de fournir des recours efficaces à toute personne dont les droits et libertés ont été violés. Des plaintes contre la violation de ces droits doivent faire l’objet d’une enquête prompte et impartiale de la part des autorités compétentes avec l’intention de prendre des mesures de redressement nécessaires.

Je remercie Votre Excellence pour avoir pris du temps de son programme très chargé pour lire cette correspondance. J’aurais souhaité qu’elle fût rédigée dans des circonstances beaucoup plus saines  que celles-ci et je regrette sincèrement tout désagrément que cette lettre pourrait  causer à Votre Excellence. Dans l’intérêt de la communication ouverte et du gouvernement transparent, des copies de cette lettre seront envoyées aux organisations et représentations diplomatiques citées ci-dessous.

 

Je vous prie d’agréer, Monsieur Le Ministre d’Etat, l’expression de mes sentiments distingués.

 

Ndiva Kofele-Kale

 Avocat de Marafa Hamidou Yaya

Téléphone : 33 32 29 04 (O), 77 80 86 71 (portable)

Adresse électronique : mo _kale@yahoo.com

Cc:

Commission nationale des droits de l’homme et des libertés

Comité international de Croix- Rouge

Les représentations diplomatiques des pays suivants:

-          Canada

-          France

-          Les Etats- Unis d’Amérique

-          Du Royaume- Unis

-          De la République fédérale d’Allemagne

-          L’Espagne

-          Le Nigéria

-          L’Afrique du Sud

-          L’Union européenne

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